Dimanche 6 Janvier - Phnom Penh
Etape repos pour une journée éclair à Phnom Penh, on en a bien besoin, et une capitale, ça mérite une halte.
Ballade découverte à pied dans la ville, très vite on ressent un contact cool avec les gens. Ici peu de scooters, mais beaucoup de tuk tuks motorisés, certains ont une connaissance adorable du français « marci boucoup, vas y mon kiki, France Paris ». On traverse tout le centre ville, en passant successivement par le vieux marché (psar chas), puis le nouveau marché central (psar thmey), un sacré contraste entre l’un où on égorge les poules sans émotion les pieds dans la boue, et l’autre où tout est nickel sous un dôme flamboyant, un marché couvert dans le style des belles galeries marchandes de Milan.
Autres points d’intérêt, l’ancien hôtel de la poste et son allure coloniale comme à Saigon, la pagode de la colline (Wat Phnom) et ses bouddhas, la statue du prince Sihanouk, visiblement apprécié des cambodgiens, et le monument le l'indépendance, vieux souvenir qui met un terme à l’empire colonial.
Pour clore la journée, visite du musée du génocide de Tuol Sleng. Retour douloureux sur le massacre des khmers rouges, barbarie d’une époque mise à nue, le quart de la population cambodgienne décimée. Il faut remonter aux années 1968, quand un groupe de révolutionnaires s’inspire des actions du Viêt-minh pour introduire le communisme au Cambodge devenu indépendant en 1953. Le gouvernement, soutenu au début par les Américains, résiste un moment, et finit par tomber le 17 avril 1975. D’un jour à l’autre, Phnom Penh se vide, les habitants sont déplacés vers les campagnes pour participer à la mise en place d’une société nouvelle qui n’a rien à voir avec le communisme en vigueur au Vietnam : le leader Pol Pot installe une organisation, le Kampuchea démocratique ou ‘Angkar’ (un nom qui fait frémir, car l’Angkar a toujours raison), qui a une stratégie de retour aux sources, retour à l’année zéro. (Ça me rappelle l’époque de nos 20 ans, on rêvait dé monter une ferme avec des chèvres au Larzac, sans savoir où est le Larzac et sans avoir jamais trait une chèvre). Il faut tout oublier : arts, religions, culture, connaissances, progrès, repartir à zéro pour reconstruire une société nouvelle. Pour cela, il faut se débarrasser des élites dangereuses - enseignants, notables, médecins, intellectuels (en particulier tout individu portant des lunettes). On revient à l’agriculture de base en éliminant les machines agricoles, on les remplace par une abondante main d’oeuvre chargée de travailler fort pour atteindre les mêmes rendements. Ambiance dans les champs ! Des camps d’extermination sont mis en place pour éliminer les élites qui représentent un risque, et pour sauver les apparences, on utilise la torture pour obtenir de faux aveux justifiant leur meurtre. C’est machiavélique, il était même interdit de mourir avant d’être passé aux aveux, malheur au tortionnaire pris en défaut. La visite du musée est un parcours dans les salles d’un ancien lycée transformé en camp de torture et d’extermination, le S21, c’est un hommage douloureux aux 12,000 à 20,000 personnes qui ont perdu la vie dans ce camp. On compte 12 survivants, épargnés pour leur savoir faire (bricolage, ..), dont un peintre. Quelques tableaux reprennent les scènes auxquelles il a assisté, ou qui lui ont été racontées. Terrible. Un audio guide en français commente avec précision les méthodes utilisées, c’est terrifiant, on en sort épuisé. On croyait que les camps de concentration de la seconde guerre mondiale avaient mis un point final à la barbarie. Le Cambodge a eu sa part, d’autres la connaissent aujourd’hui encore, et pourtant on dira un jour une fois de plus « c’est dernière fois ».