Mercredi 1er Mai - Ile de Maré
La soirée d’hier...
Noël et Nathalie ont commencé par être discrets hier soir, Nathalie au fourneau scotchée dans sa cuisine, son mari absent. Il rentre à la fin de notre repas, on ne lui demande pas d’où il vient.
On a l’impression d’avoir mangé notre premier vrai repas depuis notre départ, avec une entrée copieuse en crudités (carottes, céleri, avocat), un poisson - un picot kanak grillé typique de la région - accompagné de riz et d’igname, un légume qui nous rappelle la pomme de terre, à la consistance farineuse. On conclue l’affaire avec une papaye, c’était un repas chez l’habitant issu de la production de l’habitant, on a repris le kilog perdu en 11 mois.
Les langues se délient quand Noël s’installe pour dîner, à portée de voix de notre table. On veut comprendre le sens profond de la coutume, puisque ce terme revient sans cesse. On apprend par exemple que l’igname est un important symbole qui représente l’échange. Un genre de monnaie, sans valeur. Lors d’un mariage, l’époux va offrir sa part d’igname à la famille de sa femme, et inversement l’épouse va offrir la sienne. Sur la grande île près de Bourail, l’igname est remplacé par le taro, avec la même valeur symbolique. Je me dis qu’on a peut être fait tout faux en remplaçant hier, lors de l’accueil, un morceau d’étoffe par une boîte de curry, mais le geste était sincère, c’est le plus important.
Les enfants Suzanne et Jeff, 5 et 8 ans, parlent la langue locale le Nengone, ils apprennent le Français à l’école. Quand ils auront l’âge du lycée, ils devront poursuivre leur scolarité à Noumea. Plus tard, ils iront peut être vivre en ville, Nouméa ou métropole, ou bien ils reviendront à la vie de la tribu, sachant qu’à la tribu, tu vis à l’ancienne, tu te nourris de tes cultures, tu sais pourquoi tu te lèves chaque matin... en deux mots : il ne faut pas être paresseux.
Evelyne évoque la qualité de l’air qu’elle respire ici à poumons grand ouverts, Noël confirme la clairvoyance des anciens qui ont défini des règles saines, ici pas d’engrais, la forêt reste intacte, on ne coupe que les arbres dont on a besoin. On reçois une leçon de sagesse, la Nouvelle Calédonie applique la culture bio, un exemple pour la France.
Quand Noël apprend qu’Evelyne est Alsacienne, ses yeux pétillent, il voit une analogie entre Alsaciens et Kanaks, « le leader Tjibaou allait régulièrement se ressourcer en Alsace » nous dit-il, « et une case à été construite à Strasbourg en hommage aux kanaks »... On ira vérifier.
Dernier coup d’oeil au ciel avant de basculer dans notre case, les étoiles illuminent le ciel, une lumière vive et brillante toute proche, on avait oublié l’existence de la Voie lactée qui dessine presque un mouton. Le Petit Prince est partout. En France, il faut monter au Pic du Midi (ou peut être au Mont Blanc) pour voir le même spectacle. Trop beau.
Et aujourd’hui...
La pluie fine qui tombe par intermittence ce matin ne dérange même pas, elle alterne avec des éclaircies, c’est la journée des giboulées de mai. On fait un tour au marché, un tout petit marché aux fruits et légumes où on a du mal à trouver quelqu’un pour nous vendre 4 bananes : ils sont tous affairés à des débats politiques. Rien à voir avec le 1er Mai, ce sont les élections provinciales du 12 mai qui les préoccupent. Disposés en cercle, les hommes prennent la parole l’un après l’autre, ce ne sont pas les candidats qui parlent, ce sont les électeurs qui expriment leur opinion. On n’ose pas trop s’en mêler, on craint que ce soient tous des indépendantistes, et pourtant, on reçoit des sourires.
Dans l’aquarium naturel situé près de Tadine, le proverbe « heureux comme un poisson dans l’eau » prend toute sa signification. On aperçoit une vraie raie qui bat des ailes comme une chauve souris, et une longue anguille - peut être celle du puits d’Émile ?
A la plage au sable blanc de Yejele, notre première baignade. Au large, la barrière de corail amortit le choc des vagues dans un roulement de tonnerre, et entre le corail et la plage, le lagon nous offre un espace calme aux couleurs merveilleuses, qui changent sans cesse au gré de la lumière. L’eau est presque fraîche, je pense que la température ne dépasse pas 23º. A refaire en été.
Coucher de soleil à la baie aux tortues, on attend la sortie de la petite carapace. On apercoit bien quelques bosses qui viennent effleurer la surface de l'eau, et dans notre imaginaire, ce sont des tortues. Elles resteront dans notre imaginaire.