Lundi 21 Janvier - Kanchanaburi : km 12,480
On se fabrique un itinéraire de petites routes secondaires, espérant trouver un hôtel qui n’existe pas. Résultat : une étape de 150 kms, on aurait préféré la couper en deux mais on n’a pas eu le choix. Evelyne continue de m’impressionner, 150 kms ne l’effraient pas, à condition de partir tôt. Et la bonne nouvelle : on est arrivé à Kanchanaburi ce soir, à moins de 5 kms du pont de la rivière Kwai, ce sera cool demain.
Dès le départ, c’est chouette, on roule au milieu d’immenses rizières, les échassiers s’y régalent et ne font même pas attention à nous. Dans les sous-bois, ce sont les oiseaux qui nous réservent un accueil sifflotant, ils font le téléphone arabe en informant les suivants de notre passage, on a l’impression d’être seuls en tête du Tour de France, et d’avoir lâché le peloton. Evelyne Longo et Jacques Marchand.
Evelyne a raison, c’est bien de partir tôt, ça donne le temps de gérer les incidents de course. Le premier survient au km 90, alors qu’on roule en parfaite sérénité, je sens tout d’un coup comme une explosion sous les fesses : c’est la vis de fixation de la selle qui vient de casser, la selle tombe, miracle je ai juste le temps de me poser sur les pédales et je ne me plante pas la tige de selle au mauvais endroit. Mais il reste 60 kms à parcourir sans selle. Palabres, longues discussions, j’explique à Evelyne que ça m’est déjà arrivé à Palavas, j’avais fait 30 kms en danseuse jusqu’à Montpellier (Gigi en rit encore), y’a rien là, j’en ferai le double aujourd’hui. Mais Evelyne cogite, elle aime trouver des solutions, au bout de 5 kms elle me propose de remplacer ma selle par une noix de coco - car Evelyne transporte toujours une noix de coco vide dans un sac sur son porte bagage. On s’arrête pour faire ce bricolage, et notre ange gardien place notre arrêt juste devant un atelier. Même pas besoin de parler, je montre la selle et la vis cassée, énorme éclat de rire (c´est fou ce que l’idée d’une tige de selle sans selle fait rigoler les autres), on me la remplace - pas vu pas pris, Evelyne est presque déçue de n’avoir pu tester son invention.
On crève de chaud, on a déjà consommé des litres d’eau, on prend quand même le temps d’un nouvel arrêt rafraîchissement dans un hameau perdu où ça sent fort la sieste, on reste 10 minutes et pas une de plus.
Et puis quelques kms plus loin, c’est au tour d’Evelyne d’exploser son pneu arrière en coupant un pavé en deux. Pavé cassé, pneu cassé, chambre à air trouée... crevaison. C’est ma 10 ou 11 ou 12ème, je suis rodé. Ça fait plus de 12,000 kms qu’on transporte un pneu de rechange, il va enfin être utile. Pour la réparation, je dois me battre avec deux gars sympas qui veulent me donner un coup de main, comment leur expliquer en Thaï que les démonte-pneus ne sont pas des remonte-pneus, erreur de tous les débutants qui se demandent toujours pourquoi la nouvelle chambre à air est percée... (Note : Il faut simplement masser le pneu avec la paume de la main vers l’intérieur de la jante, jusqu’à ce qu’il se dilate par la chaleur et trouve sa place - mais gare aux ampoules !).
Et parce qu’on est parti tôt, on arrive juste avant la nuit. Grosse journée, demain repos.