Mercredi 16 Janvier - Sa Kaew : km 12,075 (Thaïlande)
On s’est battu toute la nuit. Contre l’ennemi invisible. Ce n’était pas un mauvais rêve, juste une pénible réalité, l’impression de dormir dans un champ d’orties. Plusieurs fois, on a allumé la lumière, cherché où il se cachait, dans les draps, autour de l’oreiller, avec les pièces d’or sous le matelas. A minuit, on s’est séparé, chacun son lit, ça n’a rien changé, l’ennemi continuait de nous poursuivre et nous piquer, sournoisement. Des démangeaisons qu’on tentait d’ignorer, mais on restait éveillé à essayer de penser à autre chose, compter les moutons ou les kilomètres parcourus avec un classement par pays. Vers 4 heures du matin, le sommeil l’a emporté pour une petite heure, puis une bonne douche froide a calmé les démangeaisons. On se posait des questions : insecte, puce, empoisonnement alimentaire ? et puis... on a vu enfin une minuscule bête passer sur le drap, j’ai pris en photo, j’ai agrandi et comparé avec les pages savantes d’Internet : oh punaise, c’étaient des punaises de lit, elles ont passé toute la nuit avec nous. Et pourtant, l’hôtel nous avait été conseillé par l’Américain rencontré la veille, les avis Internet étaient unanimes à le qualifier d’hôtel propre, le seul reproche était l’absence de petit déjeuner.
La bonne nouvelle : Les punaises ne sont pas porteuses de maladies. Mieux vaut une bonne punaise qu’une mauvaise grippe.
On quitte le Cambodge à Poipet, avec nos démangeaisons et une dernière réflexion sur le déclin et la reconstruction de l’empire khmer. Selon Monsieur Lo, du temps de son grand roi Javayarman VII, l’empire khmer avait la taille d’un immense cercle centré sur sa capitale Angkor, passant au delà du delta du Mékong. Un empire qui est ensuite entré dans un déclin progressif, bousculé par ses voisins Annam à l’Est et Siam à l’Ouest. Quand les Français sont arrivés, ils ont mis en place leur protectorat. Mais en tirant les ficelles de trop loin depuis le Vietnam, ils ont laissé l’impression que rien ne se passait, le déclin perdurait. L'indépendance est arrivée, puis les khmers rouges ont cassé ce qui restait. Le pays est entré depuis dans une phase de reconstruction qui a besoin de plus de transparence. « Au royaume des aveugles, les borgnes sont les rois » nous a confié quelqu’un, une allusion envers le premier ministre qui a perdu un œil dans l’assaut final des khmers rouges en Avril 1975, et dirige le pays de façon autoritaire depuis plus de 30 ans, bien entouré par la corruption qu’il a installée. Un pays où il vaut mieux faire l’autruche... Tout cela va bien sûr s’arranger, allez Cambodge, la nouvelle génération a besoin de toi !
Merci Cambodge de nous avoir accueillis avec gentillesse et simplicité, et bonjour Thaïlande, on passe la frontière et on arrive.